Implantation expérimentale d'arbres fruitiers
en Tanzanie

fruits_maison

Cette ferme comporte deux volets :

puce verteUne ferme tanzanienne de deux hectares dont le but est l'expérimentation d'arbres fruitiers. Cette ferme, dont j'assure la gestion technique, est entièrement financée sur fonds propres.

puce verteUn projet de vulgarisation de cultures d'arbres fruitiers, comme des manguiers et des pommiers auprès de villageois qui vise à l'amélioration de la sécurité alimentaire, la diversification des cultures et l'amélioration de l'apport nutritionnel. C'est ce volet pour lequel est lancé un financement participatif.

Le lien entre les deux est l'apport de ressources techniques de la ferme envers le projet de développement ainsi que les résultats de la recherche menée sur l'adaptation des espèces tempérées à ce climat et cette altitude.

1. Historique

Tanzania-chabima

J'ai connu le village de Chabima en 1984 quand je travaillais pour le compte d'un projet de l'Université d'agriculture de Morogoro (SUA, Sokoine University of Agriculture) Les progrès des jardins dont le but était la création de jardins potagers, de pépinières d'agrumes et de manguiers dans les villages, et l'implantation, à titre d'essai, de palmiers à  huile.

Je suis parti travailler dans d'autres pays comme le Cameroun, le Mali, le Congo, le Soudan dans des projets de développement rural en tant que coordinateur agricole. Puis à  Mayotte où je suis resté treize ans. Cette proximité avec la Tanzanie m'a permis de souvent retourner dans le pays.

Depuis mon départ en1986 je suis revenu de nombreuses fois dans le village et a alors germé l'idée d'un projet d'arbres fruitiers dans la vallée de Chole, A  Chabima, à 800 m d'altitude, avec l'aide d'un ancien stagiaire, Luka, et de son fils Emanueli. Cela m'a permis de conserver mon niveau en swahili, que je parle couramment, ainsi que l'anglais.


litchimurier L'équipe

Litchi                                                Mûrier                                                                             Luka, Emanueli (Kimsi) et moi au pied d'un manguier greffé d'un an

Nous avons dû réorganiser le projet de la façon suivante :

puce verte Un hectare de production "sûre", comme des manguiers, qui assureront un revenu.

puce verteUn hectare au moins d'essais d'arbres fruitiers ou de baies, que l'on trouve pour l'instant dans d'autres régions montagneuses de la Tanzanie comme Mbeya, les Monts Uluguru, Songwe, Lushoto :

puce violettePommiers, pêchers, poiriers, pruniers

puce violetteRaison de table, blancs

puce violetteFraisiers, framboisiers, ronces, mûriers

puce verteUn demi hectare d'arbres dont les semences ont été importées :

puce verteLitchis, diverses variétés de raisin

puce verteUn demi hectare d'arbres importés d'autres régions de Tanzanie dans le but de faire un essai ou de montrer les possibilités de culture : caféiers, girofliers ...

puce verteDes litchis, des manguiers et des pommiers, quelques pêchers à variétés précoces, normales ou tardives ont été mis à l'essai afin d'assurer une récolte étalée sur plusieurs mois.

2. Le contexte

Le centre de Chabima est situé à 600 m d'altitude, sur la route qui va de Kilosa à Lumuma. La vallée de Chole est à 5 km de distance du centre, vers l'est, en bordure de la réserve forestière des Monts Usagara. L'altitude de 800 m rend clémente la température et favorise les précipitations.

2.1. Le sol

Le sol des Monts Usagara a une base granitique classique du bouclier africain. Les mouvements tectoniques dus à la Rift Valley, responsables de la formation du Kilimandjaro, ont cependant causé un métamorphisme important dans la région. On y trouve des schistes et des gneiss avec des affleurements fréquents de calcite. Le sable au fond des rivières présente un taux important de mica, avec une proportion classique de feldspath et de quartz.

Le sol proprement dit est très riche en ces vallées récemment défrichées, sans pratiquer aucun terrassement ce qui conduit à une érosion rapide où ne subsiste que le sous-sol à dominante argileuse riche en fer mais pauvre en nutriments.

2.2. Le climat

La vallée de Chole présente un climat plus humide et plus frais que le village. La saison des pluies démarre mi décembre et se termine fin mai, avec une petite saison sèche en février. Les aléas climatiques sont maintenant fréquents, avec parfois une petite saison des pluies devenue presque inexistante, ou des sécheresses assez sévères de juillet à décembre.

La pluviométrie est estimée à 1 800 mm. La température est de 30°C en général, avec des chutes la nuit à 13 ou 14° en juin et en juillet. Ces températures devraient permettre la culture des amandiers ou abricotiers.

3. Le contexte économique

Le village de Chabima conserve des traditions de culture éprouvées depuis longtemps. Les innovations sont rares et un seul échec peut condamner une culture.

Traditionnellement on cultive maïs et haricot, seul ce dernier étant une culture de rente. Çà et là de l'ambrevade, de la courge ou de la patate douce et quelques légumes dans un jardin potager. L'irrigation est peu pratiquée.

Les habitants présentent un déficit en vitamine C, les enfants principalement. Les manguiers "locaux" donnent de petites mangues acides sans aucune valeur commerciale. Hormis ces mangues, les zambarao et les goyaves, il n'y a pas d'autres fruits, sauf quelques rares orangers à variété peu juteuse et quelques mandariniers. Les citronniers aux fruits à peau épaisse servent de porte-greffe pour les agrumes.

Les récoltes sont plus tardives qu'à Kilosa, située en plaine à une cinquantaine de kilomètres. Une plantation de variétés précoces, normales et tardives permettrait d'étaler la période de production du village ce qui entraînerait des avantages commerciaux, les acheteurs venant alors de Kilosa.

L'élargissement du sentier, que j'ai réalisé à mes frais, permet l'accès du hameau aux petits camions.


radier sur la Mlolwabuses sur la CholeConfection d'un radier sur la Mlolwa



Mise en place de buses sur la Chole












4. Le projet de vulgarisation

Toute la partie de recherche et d'essais est assurée par des fonds personnels sur les terrains des villageois.

Cette recherche concerne donc des arbres fruitiers en la vallée de Chole mais aussi des essais dans des zones plus basses comme Mlolwa ou des zones au niveau du village à 600 m d'altitude.

Ce projet de vulgarisation s'appuie sur plusieurs constatations.

4.1. Intervention d'une ONG locale

Le projet ayant plu à des amis tanzaniens de Dar es Salaam nous avons créé une ONG locale du nom de FAID (Friends for Agriculture Initiatives Development) qui m'emploie en tant que technicien agricole, avec un statut de volontaire pour lequel j'ai obtenu le permis de séjour qui m'a permis de mettre en route ce projet.

Euremetyne MWACHA dit Papaa, ingénieur en informatique, en est le directeur et comme les autres membres du bureau il réside à Dar es Salaam. Seuls Emanueli, membre du bureau, et moi-même résidons à Chabima.

Les fonds collectés sont directement gérés par Emanueli et moi.

4.2. La diversification des cultures

Dans certaines régions on cultivait des plantes de couverture comme les courges, des feuilles comestibles comme l'amarante qui poussaient au pied du maïs sans entraver la lumière mais tout en fixant le sol. L'attrait des cultures de rente a privilégié une seule culture en éliminant les cultures de couverture ce qui laisse le sol à nu après binage.

La mangue diffusée en Afrique à partir du XVIe siècle s'apparentait aux mangues sauvages d'origine. Ce n'est que depuis une trentaine d'années que des plantations de manguiers greffés aux variétés précoces, "normales" ou tardives commercialisables même à l'étranger sont apparues, mais elles n'ont pas remplacé dans les villages les anciens manguiers plantés p ar leurs aïeux.

Plusieurs espèces d'arbres fruitiers seront proposées aux villageois : pommiers, pour lesquels nous faisons des essais à cette altitude, raisins de table, pêchers, litchis, etc. ... cela permet la diversification des cultures et l'étalement des ventes. Un autre volet concerne le maraîchage, pour l'instant peu pratiqué pour lequel il y a un marché local certain : à Kilosa, Morogoro ou Dar es Salaam par exemple.

4.3. Niveau de vie et coutumes

La Tanzanie est considérée comme un pays en voie de développement avec une économie typique de ces pays : un grand nombre d'habitants vivent de l'agriculture, les exportations de bois par exemple sont brutes et il y a peu d'industries, tandis que la plupart de l'économie est informelle (la "débrouille"). Le revenu est estimé à deux euros par habitant par jour à peu près, mais plutôt à un euro dans ces campagnes.

Ce sont les frais de santé, les vêtements, la téléphonie, les transports, l'huile de cuisson, le sel et le sucre qui nécessitent des revenus. Les maisons sont en torchis, avec un bâti de poteaux en bois coupés en forêt et une couverture de boue. Elles sont recouvertes de chaume peu à peu remplacé par des tôles tandis que les murs sont construits en briques cuites localement. Les meubles dans le meilleur des cas sont réduits à une table basse et quelques petits bancs pour manger mais le plat commun est souvent présenté par terre, devant les convives assis sur une natte. Des sacs servent de rangement. La pièce unique, séparée en deux par une étoffe, sert pour partie de chambre qui à défaut de lit et de matelas est jonchée de feuilles de bananier recouvertes d'une natte. L'outillage agricole se résume à une houe et une machette. Les outils que j'ai pu apporter comme la pelle, la pioche ou le sabre débroussailleur ont immédiatement été adoptés et utilisés.

L'habitude est de partir tôt au champ. Le repas est pris aux alentours de 14 h à la maison ou au champ. Ce sont les femmes qui font la cuisine sur feu de bois, vont chercher l'eau à la rivière, lavent le linge, nettoient ... C'est un régime patriarcal, où l'homme décide aussi pour ses enfants, les employant comme ses serviteurs. Dans certaines familles ce rôle est si prononcé que les enfants quittent les lieux.

Les hommes défrichent, labourent, les femmes aident au semis. Les hommes récoltent sauf quand le champ est exploité par la femme qui en assure toute la production. Il y a beaucoup d'entraide, pour les récoltes en urgence ou pour construire une maison.

L'alimentation est à base de maïs sous forme de pâte (le maïs séché, pilé est mis à cuire dans de l'eau bouillante) et de haricots. A côté se trouve la sauce, composée de haricots ou de feuilles (amarante, courge ...). A l'occasion lors de la venue d'un étranger, d'une fête ou d'un jour férié on fait cuire une poule.

Les habitants sont dans la majorité chrétiens, peu pratiquants, avec un respect des coutumes ancestrales telles que chasser un démon, contrer un mauvais sort. Les hommes peuvent être polygames, mais la majorité est monogame.

La route jusqu'à Kilosa est une piste. Elle est un peu entretenue, à la fin de la saison des pluies, ce qui permet de joindre Kilosa en un peu moins d'une heure. La pluie creuse de nombreuses rigoles, abat des arbres et les camions creusent des ondulations rendant difficile la progression. Le trajet de cinquante kilomètres prend alors une heure et demie ou plus. Un 4x4 est indispensable, et ce 4x4 doit être un pick-up afin de transporter les plants jusqu'au village. Il servira aussi au suivi, à la recherche de marchés et à la commercialisation lorsque des équipes d'agriculteurs se seront constituées.

Les malades sont transportés en moto, attachés quelquefois sur la moto avec une autre personne les soutenant à l'arrière. Ce 4x4 permettrait évidemment d'aider les transports à l'hôpital en cas de besoin.

4.4. Communication

Le téléphone est devenu essentiel dans la communication, et la plupart des habitants en sont équipés.

La route jusqu'à Kilosa est une piste. Elle est un peu entretenue, à la fin de la saison des pluies, ce qui permet de joindre Kilosa en un peu moins d'une heure. La pluie creuse de nombreuses rigoles, abat des arbres et les camions creusent des ondulations rendant difficile la progression. Le trajet de cinquante kilomètres prend alors une heure et demie ou plus. Un 4x4 est indispensable, et ce 4x4 doit être un pick-up afin de transporter les plants jusqu'au village. Il servira aussi au suivi, à la recherche de marchés et à la commercialisation lorsque des équipes d'agriculteurs se seront constituées.

Les malades sont transportés en moto, attachés quelquefois sur la moto avec une autre personne les soutenant à l'arrière. Ce 4x4 permettrait évidemment d'aider les transports à l'hôpital en cas de besoin.

4.5. Le volet formation

Les agriculteurs ont tendance à s'en tenir à une forme de monoculture de maïs et de haricots sans chercher ni amélioration ni diversification. Notre but est d'introduire la permaculture, qui respecte le foisonnement d'une forêt. Entre les plants d'arbre nous avons planté des tournesols et des courges ou des pastèques, et les arbres ne sont pas regroupés par espèces mais plantés çà et là. Il est indispensable d'organiser des sessions de formation dans les domaines suivants :

puce verteSensibilisation à la couverture du sol : érosion, rôle des racines, techniques de terrassement, importance des cultures de couverture

puce verteMise en place de pépinières en vue de greffe de plants sur citron local pour obtenir des agrumes aussi divers que des orangers, des citronniers (citrons verts), des pamplemoussiers, des pomelos, des mandariniers ... et des manguiers sindano afin de greffer des manguiers plus productifs.

puce verteSensibilisation à la commercialisation  : si le village est connu comme producteur la commercialisation sera plus facile et les camions viendront chercher les produits.

Le financement recherché concerne la distribution de plants d'arbres fruitiers aux villageois de Chabima et dans d'autres villages si les fonds le permettent :

puce verteAchat des plants greffés au jardin de l'Université de Morogoro, pommiers et manguiers

puce verteTransport de ces plants jusqu'à Chabima et éventuellement jusqu'à Chole

puce verteEtablissement de listes de bénéficiaires, en lien avec les notables et dirigeants du village

puce verteVente à prix réduit afin que les villageois "s'approprient" leurs arbres et en soient responsables

puce verteEtablissement de pépinières individuelles ou collectives de manguiers et de citronniers

puce verteGreffe de ces plants

puce verteSurveillance des pépinières et des plants distribués, conseil sur la taille, l'entretien et éventuellement le stockage

puce verteStratégie commune de commercialisation

5. Points forts et difficultés

puce rougeLes difficultés reposent sur la motivation des villageois :

puce violetteAcquisition de plants par les villageois à bas prix en vue de les revendre dans d'autres villages par la suite

puce violetteDésintérêt dans l'entretien, qui conduit à la mort des plants

puce rougeLes points forts sont les suivants :

puce verteLe financement demandé sert à investir dans les plants et leur transport. Seuls quelques travailleurs journaliers occasionnels recevront une indemnité

puce verteLe projet est conduit par une personne ayant une longue expérience des projets de développement, parlant parfaitement l'anglais et le swahili, bien intégrée dans le village

puce verteLe suivi est technique et scientifique, avec un volet de recherche, le tout donnant lieu à des rapports trimestriels en ligne

puce verteLe projet peut être visité à tout moment par les contributeurs

puce verteLe projet s'inscrit dans une action de développement durable

puce verteLe projet comporte des sessions de formation et non de seuls apports de plants

Vincent Elouard