Le contrat caché

Possession et
sorcellerie

Adhésion à la réalité

Le vécu du deuil

Etre adulte

Vincent Elouard
C.V.

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Etre adulte

Devenir adulte ou être une grande personne semble être une évidence. Quand on pose la question, la réponse est toujours donnée sur le ton de l'évidence.

Cela implique qu'il n'y a pas de directives spécifiques pour se comporter comme un adulte. C'est un enseignement fondé sur des implications, des insinuations, des lignes vagues tirées de contes, de mythes ou d'archétypes.

Contes et mythes

Examinons le conte du roman de Renart, venu du Moyen-Age. Les différentes fables suivent toujours le même modèle : Renard, le goupil, gruge les autres animaux en leur proposant des gains faciles, ou en leur faisant miroiter des fortunes dont ils ont toujours rêvé. Les victimes ouvrent de grands yeux, et Renart tire ce qu'il veut d'eux. Les animaux sont alors escroqués, à cause de leur cupidité et de leur naïveté.
Une conclusion vient à l'esprit des auditeurs : si tu veux être un adulte à l'image de Renart, exploite la cupidité des autres, raconte-leur des mensonges, et tu obtiendras ce que tu veux.

Un tel comportement est enseigné au Cameroun, en Forêt, à travers les contes qui concernent la Tortue. Cet animal va jusqu'à mentir pour être la plus rusée et obtenir ce qu'elle veut. Et c'est vraiment ce que les adultes essayent de faire, puisque la tortue est leur héros.

Au japon, être un adulte est - ou était - tout à fait différent. Un de mes amis m'expliquait, sur le ton de l'évidence :

- Tu sais ce que c'est qu'un homme : être gentil, poli …

ce qui est tout à fait différent de certaines cultures où être un homme consiste à exhiber tous les gros mots connus, à jurer, et à utiliser une vois forte et dure.

Un certain nombre de contes africains racontent de l'histoire d'un homme parti de rien, rejeté de tous. Après un certain nombre d'aventures, il finit avec la reconnaissance de la société, ayant multiplié les contacts avec un grand nombre de gens, et est devenu une référence pour ses égaux. Il fait maintenant partie du réseau social, et est même devenu l'un des liens les plus solides de ce réseau.

La pyramide sociale

La Société Occidentale parle quelquefois du cadre social :c'est un cadre dans lequel les gens évoluent, et sont libres de prospérer et d'être reconnus par les autres de la manière qu'ils veulent, pourvu qu'ils ne perturbent ni les règles ni les lois qui constituent ce cadre.

Tous les Occidentaux, dans les ateliers qui concernent le Contrat Caché, ont répondu qu'être adulte signifiait être indépendant, autonome, et pouvoir décider par soi-même. Les Indiens diraient que "maman sait mieux que personne", et les Indonésiens se réfèreraient au comportement qu'ils ont appris - sans même se poser la question de savoir si ce comportement est approprié ou non.

Mais en Afrique, de telles règles et de telles lois ne sont pas aussi clairement définies.

A l'origine, les lois et les règles étaient gardées par les Anciens, en une tradition orale. Ce qui implique qu'en cas de problème, ou d'un conflit, l'on réunissait les Anciens qui rappelaient ce que les Sages défunts auraient fait en une telle situation.
Comme personne ne pouvait contester, les Anciens pouvaient énoncer une règle en accord avec le contexte et la politique du moment. Les règles, donc, étaient décrétées en accord avec la conjecture sociale.

Comme les Anciens ont le pouvoir dans les communautés, l'on parle de la Pyramide sociale, avec les Anciens présents dans l'esprit de chacun. Et plus les Anciens sont connus, plus ils ont de poids.

Une personne en Afrique est baignée dans cette définition. Le plus important pour eux est d'être reconnu par la Société, et d'appartenir à un clan, une famille ou une communauté. Nouvellement arrivés quelque part, la première chose qu'ils cherchent est d'appartenir à une famille, et quelqu'un d'un village éloigné sera immédiatement appelé frère, sœur, tante ou oncle, et une petite pyramide sociale sera construite comme référence pour chacun.

En France, il est tout à fait fréquent de voir quelqu'un ayant passé six ou sept ans sans document légal dans le pays, ayant vécu avec une famille ou un groupe en tenant lieu, tout à fait satisfait de la situation. Un conflit avec la famille peut arriver, et la personne chassée de la communauté : ce n'est qu'à ce moment qu'elle se tourne vers les services sociaux, et découvre qu'elle aurait dû légaliser sa situation dès le début.

Etre adulte en Afrique

Pour la plupart des Africains, devenir adulte signifie donc faire partie de la Pyramide sociale, et tisser de nombreux liens avec les gens.
Une personne âgée est vénérée, puisqu'il est évident qu'elle a dû tisser de nombreux liens avec un grand nombre de personnes, à travers son expérience. Etre jeune n'est pas si bien considéré, un jeune homme n'est qu'un enfant : ils sont connus sous le nom de leur père, pas plus. Et le but de la vie est de gagner de l'importance aux yeux des autres, gravissant les échelons de la Pyramide sociale.
A ce moment, un conflit peut surgir avec les Occidentaux : un Occidental veut être indépendant, et être autonome. Ce qui ne parle pas tellement aux Africains, puisqu'ils veulent être dépendants d'autres personnes, et que les autres personnes soient dépendantes d'eux.

L'autonomie peut être proposée à des communautés, ou à de nouveaux colons. Mais doivent être clairement définis, pour chacun, son but et sa finalité. L'autonomie, l'indépendance peuvent être offertes à de petites communautés, qui se construisent d'après une pyramide sociale, ou à un clan, ou même à une famille nucléaire. Mais en aucun cas le concept ne doit être accepté comme évident, car les différentes cultures ne sont pas d'accord sur le terme.